Chasseur de chouettes

Publié le par Johnboy FuRu

Chasseur de chouettes



C'est vraiment chouette d'être un chasseur de chouettes. C'est ce que je me dis souvent en me répétant cette phrase. De plus, c'est une vérité. Certes, c'est une jolie phrase néanmoins, cela n'enlève rien à son exactitude. Ce n'est pas juste pour faire un jeu de mots.

Prenons un contre-exemple: c'est vraiment con d'être un chasseur de cons. C'est rigolo mais c'est faux. Je suis sûr que ce la doit être terrible d'être armé jusqu'aux dents et de shooter, planter, cisailler, démembrer, aplanir le premier con qui passe.

Y a juste un problème: trop de boulot! Et le boulot, bah, ça me plaît pas trop à moi...


Revenons à nos moutons. « Comment ça des moutons? », m'interroges le type fringué comme une canette de Fanta. Hé oui!! Des moutons! Laissez-moi m'expliquer. Afin de rabattre les volatiles visés par ma chasse, je me dégottes toujours deux ou trois moutons. Je les dépose aux quatre coins d'un bois. « C'est pas possib'!!, me postillonne le lecteur vertueux en pull bleu marine au fond de la piscine, Si ya quatre coins, i faut quat' moutons! ». Admettons, admettons... Mais admettons aussi que je possède une tronçonneuse et que par là même, je puisse faire des demi-moutons. D'ailleurs ne dit-on pas que « dans le mouton, tout est bon » alors je pense qu'une moitié de mouton c'est bon aussi.

Donc, j'expliquais, je pose un mouton, ou un demi, à chaque coin du bois et je les installe sur mes lance-moutons télécommandés. Réglages bien sûr. Calcul de trajectoire, force du vent, adrénaline, hyperbole, entremetteur abusif et tout le tralala.

Déplacez-vous à la manière d'une pute épiscopalienne vers le centre du bois. N'oubliez pas votre télécommande afin de déclencher les lance-moutons ainsi que d'un livre autonome (c'est pour pas mettre un adjectif désagréable), par exemple « Napoléon » de Max Gallo.

Tel une mouette sous une couette, tapissez-vous dans un bosquet en attendant le premier ululement de la chouette.

Tiens, ça y est, je l'entends. La chasse peut commencer!

Attention!! N'oubliez aucune étape, c'est très important!!


Préparez un bûcher de quatre mètres de haut et allumez-le à l'aide de votre livre. Puis réglez votre télécommande sur « lancement synchronisé de tous les moutons du département ».

(Merci de prévenir préalablement les éleveurs dudit département afin qu'ils attachent leurs bêtes sans quoi vous allez au devant de gros ennuis. Déjà qu'ils vont pas être contents car vous en avez déjà piqué quelques unes pour ce soir alors fini les conneries.)

Appuyez sur le bouton « Action Mouton ». Si vos réglages sont exacts, tous les moutons devraient se télescoper dans moins de deux minutes à sept cent mètres au dessus de votre tête pour se réunir en un amas titanesque de viande.

Cette grosse boule de chair, voletante et abandonnée de tous parmi les limbes de la stratosphère, va se sentir irrémédiablement attirée par la source de chaleur que dégage votre bûcher.

Le poids de la viande, associé à l'attraction terrestre, va avoir pour effet ceci: tomber à une vitesse vertigineuse tout droit vers le centre des flammes et cuire instantanément vu qu'il y fait hyper chaud; mais aussi, éteindre tout aussi vite le bûcher en creusant à sa place un énorme cratère qui détruira à jamais environ deux kilomètres carré de forêt.


Si vous avez été assez malin, vous avez pensé tout seul à vous éloignez; sinon, j'ai oublié de vous prévenir et vous êtes mort. Qui s'en plaindra?


Donc, poursuivons pour les petits malins. Les morts vous pouvez continuer à écouter mais seulement aux portes.


Revenez sur vos pas. Au centre de ce cratère se trouve, cuit à point, un énorme plat de viande. Sortez les couverts (ce qui ne veut pas dire mettre des préservatifs sur les moutons cuits) et attendez la chouette.


L'attente de la chouette au bord d'un gigantesque cratère sera un moment unique dans votre vie. Pourquoi? Essayez, vous comprendrez.


Puis vint le moment tant attendu. Vous la voyez. Cette ombre qui rôde et s'approche à pas pesés du trou, vous la voyez. Arrêtez de respirer.

C'est bon, elle se croit seule. D'une limpide glissade sur les plumes de son cul, la chouette se propulse aux abords de la viande convoitée. Plus que deux petits pas et elle se régalera.

A vous de jouer. Lancez tous les couverts précédemment sortis en direction de la tête de notre bête. J'espère que vous n'avez pas pris que des cuillères car dans ce cas, c'est pas gagné.

Si c'est votre première chasse, je vous conseille de vous munir d'une bonne centaine de couteaux et du double de fourchettes afin de mettre un maximum de chances de votre côté.

Rhaaaaaaaaaaaaa.... La chouette s'effondre. Un couteau à pain vient de lui faire éclater la partie gauche de son cerveau.


BRAVO!! La chasse est réussie!Il ne vous reste plus qu'un peu de découpage et de couture à faire pour empailler votre chouette (si vous avez oublié la paille, des feuilles mortes, de la mousse ou des champignons feront l'affaire).


Voilà, vous pouvez désormais vous rendre chez vos parents, qui vous ont invité à manger ce midi, les bras chargé de cadeaux. Une belle chouette avec une demie-tête pour maman; un beau morceau de viande de mouton pour papa.

« Quelle belle journée! ». C'est ce que vous vous dites le soir en rentrant chez vous. Vous n'allez pas tarder à rejoindre votre lit, épuisé par cette nuit de veille dans les bois et les questions de votre mère sur votre vie privée (du genre « Tu fréquentes? » ou « Tu veux que je t'achètes des chaussures neuves? »). Ce n'est que lorsque vous vous retrouvez sur la cuvette des toilettes que l'horreur vous saute aux yeux: vous avez brûlé votre compagnon de chierie; « Napoléon » de Max Gallo est parti en flammes. Vous vous rabattez sur une vieille pub ED pour vous faire patienter pendant que le paquet descend mais c'est pas pareil, c'est plus dur.

Le lendemain, vous m'écrivez pour m'insulter, me dire que vous ne suivrez plus jamais mes cours, me ferez mauvaise pub et me rendez responsable de vos problèmes de constipations.

« Halte là!! », je réponds. Max Gallo est un connard et j'espère bien qu'un brave se lancera dans la chasse aux cons, qu'il nous achève ce gentilhomme...

 

 

 

 

 



(texte écrit à l'été 2008 pendant que je bossais à la galerie Bernheim-Jeune à Paris)

 

 

 

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